LA CIVILISATION NEGRO-AFRICAINE

Jadis la notion de civilisation opposait les peuples qui se disaient « civilisés » (grecs, romains) à ceux qui ne l’étaient pas (barbares). Le mot civilisation n’apparaît qu’au XIII°s ; il signifiait l’état des habitants des villes par opposition aux campagnards rustres, c’était du

policé, de l’organisé par opposition à la barbarie, à la sauvagerie. Cette définition porte un jugement de valeur puisque on se réfère à sa propre situation pour juger les autres. De plus en plus la civilisation est comprise comme l’ensemble des caractères appartenant à une certaine société, vivant sur un territoire déterminé à un certain moment de son histoire.

 

La définition se base sur des faits sociologiques bien précis : croyance, coutume, mœurs, langues, institutions politiques, sociales, économiques. Donc pour être civilisé, il faut avoir :

 

  • Une organisation politique : monarchie, oligarchie, république, théocratie, tyrannie, démocratie…
  • -Une forme de société par exemple, nobles, chevaliers, plèbe, esclaves…
  • -Un type d’économie ; régime des terres, échanges, techniques culturales…
  • -Un système de valeur : morale, croyance, mentalité, sensibilité, écriture…

Tous ces éléments constitutifs d’une civilisation sont pris globalement mais n’ont pas la même valeur. En effet les faits religieux, techniques et économiques sont plus importants que les modes vestimentaires ou les goûts culinaires ou même les institutions politiques qui sont éphémères. Au total la civilisation d’absolu, de subjectif, d’objectif n’existe pas.
Une civilisation doit pouvoir définir des attitudes à suivre devant des faits naturels et surnaturels. Elle doit pouvoir donner des réponses aux grands problèmes moraux, métaphysiques, sociaux et politiques. Pour donner de telles réponses la civilisation se base sur les traditions.
Les grandes civilisations se diffusent grâce aux guerres, aux langues commerciales, aux échanges intellectuels, à la colonisation, la religion, les masses média.

LES CIVILISATIONS AFRICAINES
Longtemps considéré comme dépourvue de civilisation, l’Afrique noire en connaît pourtant qui n’a rien à envier aux autres civilisations. Il s’agit de civilisation très nombreuse et e beaucoup n’ont pas encore fait l’objet d’étude exhaustive. Ces civilisations évoluent sans cesse et s’enrichissent des apports étrangers, notamment depuis la colonisation au point de ne plus paraître authentique. Cependant les éléments traditionnels demeurent très tenaces dans les civilisations africaines en mutations.

1. Les caractéristiques de la société traditionnelle:

A. Les structures sociales
La société africaine est essentiellement communautaire. Chaque unité sociale forme un tout au sein duquel l’homme se sent pleinement intégré.

  • La parenté et la solidarité: La parenté est le cadre, la base de toute organisation sociale africaine. Le clan étant un groupe formé par tous les descendants d’un ancêtre lointain, réel ou mythique, ayant conscience d’une filiation commune est formé de plusieurs familles très étendues. Il peut être divisé en lignages. Le lignage rassemble tous les descendants en une seule ligne d’une seule personne particulière. Exemple : la ligne masculine donne la parenté patrilinéaire. La ligne féminine donne la parenté matrilinéaire.
  • La solidarité : I y a un profond lien de solidarité entre parents, tous sensibles à leur commune appartenance. C’est dans le groupe que le noir trouve son équilibre. Isolé il perd une partie de sa confiance en soi. Cependant cet esprit de solidarité constitue de nos jours un problème sérieux pour les fonctionnaires sollicités par les innombrables parents.

a. L’organisation familiale
La communauté familiale est la base de la cellule sociale. C’est l’homme le plus âgé qui est le chef de famille. On l’appelle zaksoba chez les Mossi ; fâ chez chez les Malinké ; Nanan chez les Akan ; Lèhou chez les Sénoufo. Il est le gérant des biens de la famille. L’homme assure toutes les responsabilités au niveau de de la famille. Les familles vivent en communauté. La hiérarchie sociale repose sur les critères suivants : l’âge et le sexe. La société est dominée par les vieux. L’homme y tient une place privilégiée par rapport à la femme. Mais quelques soient les liens de parenté, les membres d’une même génération se considèrent comme frères et sœurs. Tous les travaux se font en commun. En général, les mariages sont des alliances scellées par la dot.

b. L’organisation sociale
La société africaine est architecturée et parait comme essentiellement hiérarchisée. Elle comprend :

  • Les Nobles : on naît noble .On les trouve à la tête de l’État et de l’armée.
  • Les hommes libres et les gens de castes .Ils sont artisans ou agriculteurs et travaillent pour leur propre compte. Les gens de castes sont spécialisés dans le travail artisanal. En général les gens de caste ne peuvent se marier qu’entre eux.
  • Les esclaves : ils sont au bas de l’échelle sociale. Ce sont les principaux producteurs de la société. Ils ont des descendants et possèdent des cases et des terres .Ils peuvent être affranchis.

 

B. Les structures politiques
Les sociétés africaines connaissent plusieurs formes d’organisation politique.
a. La tribu : c’est un assemblage de clans liés en général par la langue. A sa tête il y a un chef qui à un caractère religieux. Celui-ci est assisté d’un conseil de chefs de clans et de dignitaires.
b. Le royaume : c’est un état centralisé. Le roi appartient à la lignée fondatrice du royaume. Personnage sacré, le roi détient les pouvoirs politiques militaires et religieux. Mais son pouvoir est limité par des conseillers et surtout par des coutumes ancestrales. En réalité, le roi règne mais la coutume gouverne. Les États théocratiques (Nord du Nigeria et du Cameroun) sont appelés sultanats ou Émirats.
c. Les sociétés secrètes : Ce sont des organisations politico-religieuses. Les membres sont initiés et sont inconnus des autres membres de la société. Ils ne se produisent en public que caché sous des masques. Leur rôle est de faire respecter la coutume et susciter la crainte parmi la population.

C. Les fondements magico-religieux
Longtemps très mal connues , les religions africaines étaient considérés comme des pratiques fétichistes sans grande portée ; par fétichisme on entendait le culte voué à des “fétiches ” statues et objets symbolisant les esprits ou les dieux. L’africain est avant tout un croyant qui vit dans l’intimité des puissances invisibles dans un système cosmique, dans un ensemble cohérent. Tout acte malheureux peut provoquer une catastrophe. L’animisme est la religion première des africains. L’africain croit en l’existence d’un être suprême : Wende en Mossi ; Kolotioloh en Sénoufo. On ne peut atteindre cet être que par l’intermédiaire des génies, des esprits, les âmes des anciens qui sont dans la nature. Toute activité humaine doit tenir compte du concours des génies qu’il faut d’abord consulter. La nature renferme des puissances invisibles.

  • Les totems : puissances accordant ses faveurs à certains clans…
  • Les mânes : les ancêtres
  • Les divinités : on fait souvent des offrandes aux génies, aux divinités, et aux ancêtres.

 

a . L’Islam noir
L’islam a pénétré en Afrique noir au Moyen Age grâce aux commerçants et aux marabouts ambulants. Cette religion a été réinterprétée par les noirs. Elle s’est développée grâce à la polygamie. L’islam a intégré les divinités africaines, “les djinn” ou les génies intermédiaires entre Dieu et l’Homme. Le marabout confectionne les talismans destinés à soigner, prévenir les maladies, écarter les dangers.


D. L’aspect culturel

a. L’Art
L’art est sacré. Tous les objets d’art sont des représentations de certaines divinités .Ils incarnent aussi l’esprit des ancêtres morts. L’art se manifeste dans l’architecture sous la forme de huttes en terre, rondes ou rectangulaires, et dans la sculpture. Le bois, la terre, l’ivoire sont des matériaux de sculpture qui permettent de fabriquer des masques, des statuettes, des meubles, des instruments de musique. C’est art utilitaire qui respecte les normes de la société.
b. La littérature orale.
L’humidité et la chaleur ne favorisent pas la conservation des vestiges historiques. Cette situation donne toute son importance à l’oralité en Afrique Noire. Celle-ci porte sur les contes, les fables, les proverbes. La littérature orale utilise toutes les langues africaines.

II . La vie économique traditionnelle
La terre généreuse offre une variété de produits aux populations: fruits, tubercules, lianes, gibiers, poissons. Des peuples comme les pygmées continuent de vivre de chasse et de cueillette. Les autres produisent ce dont ils besoin pour leur alimentation.

A . La production
Les techniques de production sont variées, mais les principales sont la jachère et la culture sur brûlis. Au niveau de la production il faut remarquer l’extrême spécialisation de certains groupes sociaux. Il y a des peuples agriculteurs, des peuples éleveurs.
Chez les peuples éleveurs (les Peuls), le bétail signe de richesse, peut être une propriété collective ou individuelle.
Chez les peuples agriculteurs, chaque société à sa façon de partager les terres. Le territoire du village appartient à la collectivité villageoise mais géré par le chef de terre. Il est partagé en parcelles dont chacune est l’objet d’un droit d’usage, d’un héritage qui doit être laissée comme telle aux descendants du clan ou de la famille.

B. Les échanges
Le « don », le cadeau joue un rôle très important dans la société traditionnelle africaine. La fonction première des échanges est de manifester des liens sociaux. Ex. la dot matrimoniale se traduit par le don d’une femme contre le don d’un bétail. On donne et on reçoit à l’occasion des naissances, des mariages, des funérailles. Le don donne de l’importance à l’homme. L’homme important est celui qui donne et non celui qui possède.
Le système de troc a permis l’échange des produits, mais l’Afrique a connu aussi la monnaie faite de coquillages (cauris) ou de pièces métalliques .Les prix ne sont pas fixés rationnellement. Le marchandage est de rigueur. Les pistes caravanières ont mis en contact les zones de forêt et de savane permettant ainsi des échanges à longue distance.

III . Les transformations de la société

La présence des européens a eu un impact sur les peuples d’Afrique Noire. Cet impact varie selon les régions et les sociétés. Les zones côtières, les zones riches qui ont beaucoup intéressée les européens ont plus bouleversées. Cependant il existe des traits communs à toutes les sociétés.


A. Au plan social et politique

a. La dislocation des unités familiales 
L’introduction de l’argent dans les sociétés a eu pour conséquence la dislocation des familles. L’individu à la recherche de l’argent tend à se délivrer de la tutelle familiale. Dans cette émancipation individuelle l’homme veut être seul chez lui, se marier à son gré, profiter au maximum de son travail. Les tribunaux modernes prennent le parti de l’individu opprimé par la société.
La ville moderne est la vitrine de l’occident. La population est constituée de déracinés. C’est un ensemble hétérogène, rassemblant des individus de diverses ethnies, religions, régions. Elle a ses modes vestimentaires, son langage, ses valeurs. L’argent y est au centre de toutes les relations. La ville garde cependant des traits traditionnels à travers les quartiers ethniques.
Cette transformation se traduit par l’apparition d’une nouvelle hiérarchie sociale. La bourgeoisie noire constituée de grands planteurs, de commerçants, de hauts fonctionnaires, d’hommes d’affaires est au sommet de la nouvelle hiérarchie sociale. Cette bourgeoisie a un niveau de vie très développé qui tranche avec celui de leurs compatriotes. A côté de cette classe, on trouve les petits salaires, les ouvriers, les sans emploi qui constituent la population la plus nombreuse
b. Les transformations des structures politiques
La colonisation a porté des coups durs aux chefs traditionnels. Certains ont été écartés du pouvoir, d’autres ont vu leur autorité confirmée. Beaucoup de jeunes gouvernements ont mis de côtés les chefs traditionnels. Cependant une partie de l’élite politique est issue de la chefferie traditionnelle. Les nouvelles structures politiques sont :

  • Les partis politiques
  • Les sections et sous-sections des partis politiques
  • Les associations

La plupart des états africains se sont appuyés pendant longtemps sur un parti politique unique. Aujourd’hui la démocratie devient une réalité avec le développement du multipartisme.

B . Les transformations religieuses
L’implantation de l’islam est très ancienne (dès le VIII s). L’islam a été le ferment d’un certain nationalisme africain. Les grands résistants ont été des musulmans : Ex. Samory Touré ; El Hadj Omar …
Le christianisme n’a pas le même succès que l’islam. Il a eu du succès en Afrique Orientale, au Congo, en Angola, au Cameroun du Sud. Il a longtemps méprisé en bloc la superstition, le fétichisme, la sorcellerie des africains. C’est ce qui explique que les missionnaires n’aient pas réussi à implanter le christianisme en profondeur. Mais l’Afrique a par ailleurs, africanisé le christianisme. Beaucoup de religions syncrétiques sont nées sur la base des emprunts au christianisme et à l’animisme .Ex. Le Kimbanguisme au Congo ; le Harrisme en Côte d’Ivoire.

C. L’évolution des structures économiques
Certes, il existe encore le lopin de terre, mais la tendance est la création de très grandes exploitations agricoles de plus de 10 ha. En ville, surtout dans les capitales, l’on rencontre beaucoup d’industries. L’économie de subsistance a donc fait place à une économie de marché avec une augmentation considérable de la circulation des richesses. Aujourd’hui la réussite de l’homme est fonction de l’acquisition des biens matériels.

Conclusion
La civilisation négro-africaine caractérisée d’une part par l’importance des liens de parenté et la vie communautaire et d’autre part par une économie de subsistance est de nos jours en pleine mutation. Partout les Etats ont mis en place des économies modernes qui parachèvent ainsi la transformation de la société résolument tournée vers l’Occident.

 

 

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