VERSIFICATION

La versification est l’ensemble des règles qui régissent la poésie..

 

1. Compter les syllabes

Le vers est basé sur le rythme. C’est le nombre et l’accentuation des syllabes qui vont définir ce rythme.

Pour calculer le nombre de syllabes, il faut prendre en compte toutes les syllabes sauf la syllabe avec un -e- muet en fin de vers. Le poète peut également avoir éludé un e- devant une voyelle ou un -h- muet au sein d’un vers.

Ex :      « Ce voyageur ailé, comm(e) il est gauche et veul(e) !(Baudelaire, l’Albatros).

Ce vers contient 12syllabes, le -e- de comme et de veule ne compte pas.

 

Un poème peut contenir des vers de différente longueur. Si la structure est toujours la même, on dit que les vers sont réguliers.

Si la structure est irrégulière, on dit que les vers sont libres.

 

-Un vers qui contient huit syllabes s’appelle un octosyllabe.

Ex :      « Les vases ont des fleurs de givre,(le -e- de givre est muet)

Sous la charmille aux blanc réseaux ; » (Théophile Gauthier)

-Un vers qui contient dix syllabes s’appelle un décasyllabe.

Ex :      « Il était un grand mur blanc - nu,nu, nu,

Contre le mur une échelle - haute,haute, haute,

Et par terre un hareng saur - sec,sec, sec. (Charles Cros)

-Un vers qui contient douze syllabes s’appelle un alexandrin.

Ex :      «  J’aime le son du Cor, le soir, au fond des bois,

Soit qu’il chante les pleurs de la biche aux abois, » (Alfred de Vigny)

 

2. Le rythme

 

Les vers peuvent être coupés par un signe de ponctuation. Cette coupure s’appelle une césure.

Ex :      « Je fais souvent le rêve étrange et pénétrant

D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime, » (Verlaine, Mon rêve familier)

Si un alexandrin est coupé par la moitié, chaque partie de 6 syllabes s’appelle un hémistiche.

Ex :      « La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme »(Baudelaire, L’homme et la mer).

 

Lorsqu’un vers se termine dans le vers suivant, cela s’appelle un enjambement.

Ex :      « « Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente

N’éprouve devant eux ni charme ni transport ; » (Alphonse de Lamartine)

 

Les paragraphes d’un poème s’appellent les strophes.

-Une strophe qui contient trois vers s’appelle un tercet.

-Une strophe qui contient quatre vers s’appelle un quatrain.

-Une strophe qui contient cinq vers s’appelle un quintile.

-Une strophe qui contient six vers s’appelle un sizain.

 

Un poème écrit en alexandrin et formé de deux quatrains et deux tercets s’appelle un sonnet.

 

3. Les rimes

Le rythme du poème est également donné par la façon dont les rimes sont faites et s’enchaînent.

 

Les rimes peuvent être suivies : aabb.

Ex :      « Le Loup vient et s’assied, les deux jambes dressées

Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées.

Il s’est jugé perdu, puisqu’il était surpris,

Sa retraite coupée et tous ses chemins pris, » (Alfred de Vigny, La mort du Loup)

 

Les rimes peuvent être croisées : abab.

Ex :      « Dans le bassin des Tuileries,

Le cygne s’est pris en nageant,

Et les arbres, comme aux féeries,

Sont en filigrane d’argent. » (Théophile Gauthier)

 

Les rimes peuvent être embrassées : abba.

Ex :      « Comme de longs échos qui de loin se confondent

Dans une ténébreuse et profonde unité,

Vaste comme la nuit et comme la clarté,

Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. »(Charles Baudelaire)

 

La diphtongue : diérèse et synérèse

On appelle diphtongue la réunion, dans un même mot, de deux sons entendus distinctement, mais produits en une seule émission de voix. Il est donc indispensable pour mesurer le mètre de savoir quand deux ou plusieurs voyelles successives forment une ou plusieurs syllabes.

Pour apprécier si l’on doit recourir à la synérèse (émission de deux voyelles en une seule syllabe) ou à la diérèse (émission de deux voyelles en deux syllabes), il faut revenir à l’étymologie du mot. En principe, la diphtongue comptera pour une ou deux syllabes selon qu’elle est issue d’une ou deux syllabes latines.

Généralement, lorsque la première voyelle est précédée d’un R ou d’un L précédés eux-mêmes d’une consonne, la diphtongue compte pour deux syllabes. Exemples : « nous ne pli-ons pas ! », « j’ai cri-é », « plu-ie ».


Le mètre ou mesure du vers

Un vers est terminé par le retour à la ligne suivante3. Il est également terminé par la rime.

Le vers suivant commence par une majuscule.

Il existe des mètres pairs et impairs.

Les vers sont appelés :

  • monosyllabe pour un vers d’une syllabe
  • dissyllabe pour un vers de deux syllabes
  • trisyllabe pour 3
  • quadrisyllabe pour 4
  • pentasyllabe pour 5
  • hexasyllabe pour 6

Les vers inférieurs à 7 syllabes sont très rares. Ils permettent le jeu poétique. En effet leur brièveté provoque un rapide retour à la ligne et marque de ce fait fortement le rythme. Avec eux le poème se rapproche de la chanson populaire


Octosyllabe pour 8 C’est le vers le plus facile d’emploi, c’est aussi le plus long des vers sans césure. Il est utilisé

  • dans les chansonnettes, les impromptus, les bouts rimés.
  • ·ennéasyllabe  pour 9, vers rare
    Ce type de vers permet un rythme de chanson. C’est le vers musical prôné par Verlaine dans son « Art poétique

décasyllabe pour 10
Le décasyllabe permet un rythme alerte en distribuant de manière dissymétrique les deux hémistiches (4+6) ou en créant deux hémistiches impairs (5+5)

·  hendécasyllabe pour 11, vers rare

  • Alexandrin pour 12
    C’est le vers le plus long de la poésie régulière. Il tire son nom du Roman d’Alexandre, œuvre du XIIe siècle. Il se révèle majestueux et permet beaucoup d’effets variés par le jeu des accents mobiles. C’est aussi le mètre qui correspond le mieux à la longueur moyenne d’un énoncé en français, ce qui explique sa prédominance dans de nombreux genres poétiques (tragédie, épopée, grande comédie, lyrisme…) et à toute époque.
  • Les vers de plus de 12 syllabes existent : Apollinaire et Aragon les ont parfois employés. La longueur de ces vers dans lesquels la phrase peut se déployer amplement amenuise les différences avec la prose. De fait, dans l’exemple qui suit, le sujet et son mode d’expression sont très banals comme des propos échangés à un comptoir, si bien que le vers de 16 syllabes et ses pauses irrégulières ressemble à la prose familière

    L’enjambement, le rejet, le contre-rejet

Ces trois termes marquent les différences existantes entre les longueurs respectives du vers et de la phrase. Ces différences de longueur peuvent prendre trois formes :

  • L’enjambement, quand la phrase ne s’arrête pas à la fin du vers, mais déborde jusqu’à la césure ou à la fin du vers suivant. Il marque en général un mouvement qui se développe, un sentiment qui s’amplifie, un temps qui s’étire…
    « Nous avons aperçu les grands ongles marqués
    Par les loups voyageurs que nous avions traqués. »
    Alfred de Vigny, Les Destinées, « La mort du loup »
  • Le rejet, lorsqu’un ou deux mots de la phrase sont placés au début du vers suivant. Selon Littré, cette forme d’enjambement est « l’état ou le défaut du vers qui enjambe sur le suivant. L’enjambement est surtout usité dans la poésie familière ; ailleurs on ne l’emploie guère que pour produire un effet. » Dans la poésie classique, les écrivains ont essayé de faire coïncider l’énoncé avec le vers ou l’hémistiche ; ils ne s’autorisaient l’expansion sur le vers suivant qu’exceptionnellement à des fins expressives.
    « Même, il m’est arrivé quelques fois de manger
    Le berger. »
    Jean de La Fontaine, Fables, VII, 1
    En revanche, cette forme de l’enjambement est fréquente dans la poésie romantique.
    « Comment vous nommez-vous ? Il me dit : – Je me nomme
    Le pauvre. »
    Victor Hugo, Les Contemplations (V, 9), « Le mendiant »
    Ce rejet au début du vers suivant crée un effet de mise en valeur.
  • Le contre-rejet, quand la fin d’un vers contient quelques éléments de la phrase qui se développe au vers suivant.
    « Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L’automne
    Faisait voler la grive à travers l’air atone. »
    Paul Verlaine, Poèmes saturniens
    Le contre-rejet crée une rupture rythmique, qui sollicite l’attention du lecteur ou de l’auditeur.

 

4-Le rythme

Le retour périodique des accents toniques crée le rythme. Le rythme crée des effets divers (régularité ou irrégularité, fermeté ou dilution, équilibre ou déséquilibre…) en lien avec le sens du poème.
On distinguera un rythme binaire quand le vers ou les hémistiches sont divisés en deux moitiés égales.
« Son regard / est pareil // aux regards / des statues. »
Paul Verlaine , Poèmes saturniens, « Mon rêve familier »

« Ô rage ! Ô désespoir ! // Ô vieillesse ennemie !
N’ai-je donc / tant vécu // que pour cet / te infamie ? »
Pierre Corneille, Le Cid

Le rythme binaire a souvent une valeur affective, il traduit des émotions qui n’arrivent pas à se poser, qui sont extériorisées par jets.

Le rythme ternaire découpe le vers en trois mesures égales. Il exprime l’ordre, l’équilibre, l’immuabilité.
« Je marcherai / les yeux fixés / sur mes pensées. »
Victor Hugo, Les Contemplations, « Demain, dès l’aube »

« Toujours aimer, / toujours souffrir, / toujours mourir »
Pierre Corneille, Suréna

Dans le premier extrait, le découpage en trois groupes égaux évoque peut-être le balancement régulier de la marche, mais surtout l’absorption du père meurtri dans ses pensées lancinantes ; dans le second, il souligne la force contraignante du destin et l’accablement qui en résulte.

Le passage d’un rythme à un autre est souvent significatif d’un changement dans les faits ou les sentiments.

L’enjambement, le rejet et le contre-rejet produisent des ruptures rythmiques à des fins expressives.

Le rythme peut être croissant quand les groupes sont de plus en plus longs. Il traduit alors une amplification.
« Ainsi, / de peu à peu // crût / l’empire romain. »
Joachim du Bellay, Les Antiquités de Rome

« Ô ra / ge ! Ô désespoir ! // Ô vieillesse ennemie ! »
Pierre Corneille, Le Cid

Un vers a un rythme décroissant quand les segments se font de plus en plus courts. Ce rythme marque le déclin, la chute.

Et de longs / corbillards, // sans tambours / ni musique,
Défi / lent lentement // dans mon â / me ; l’Espoir,
Vaincu, / pleu / re, et l’angoi /sse atro / ce, despotique,
Sur mon crâ / ne incliné // plante son / drapeau noir.


Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, « Spleen IV »

À un rythme régulier, cérémoniel, funèbre, succède un tempo brutalement décroissant et souligné par le contre-rejet : le désespoir absolu vient de prendre brutalement possession de l’âme du poète.

Le rythme est accumulatif quand le nombre d’accents toniques est supérieur à quatre dans l’alexandrin. Il traduit l’exubérance, la richesse de la vie.
« Le lait tom / be : adieu, / veau, / va /che, cochon, / couvée. »
Jean de La Fontaine, Fables, « Pierrette et le pot au lait »

« Nais, / grandis, / rê / ve, sou / ffre, ai / me, vis, / vieillis, / tombe. »
Victor Hugo, Les Contemplations, « Dolor »

 

5-L’ordre des mots

La poésie autorise un ordre des mots différent de la prose.

L’ellipse

L’ellipse est une figure de construction par laquelle on supprime un ou plusieurs termes déjà énoncés mais qui ne sont pas indispensables.
« Ainsi dit, ainsi fait. Les mains cessent de prendre
Les bras d’agir, les jambes de marcher : […] »
→ Ellipse de « cessent ».
Jean de La Fontaine, Fables

L’ellipse devient licence lorsque le mot sous-entendu change de nombre, de personne ou de genre.
« Implorant le Seigneur, cette longue prière
Sera-t-elle entendue et vos vœux exaucés ? »
→ pour « seront-ils exaucés ? »
Maurice Siegward

L’inversion

L’inversion consiste à placer les mots dans un autre ordre que celui de l’usage courant. Les poètes se sont servis de cet arrangement pour apporter à l’énoncé une tournure touchante ou pittoresque. Elle peut également servir à mettre en valeur une expression ou une pensée.
« En vain il a des mers fouillé la profondeur ; »
Alfred de Musset, La nuit de mai

« Mais si ce même enfant, à tes ordres docile,
Doit être à tes desseins un instrument utile […] »
Jean Racine, Athalie

 

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