Énoncé
Processus, acteurs et flux de la mondialisation
Vous vous appuierez notamment sur l'étude du cas d'un produit mondialisé conduite au cours de l'année.
Corrigé
Introduction
Les dernières décennies du xxe siècle ont été marquées par la multiplication des échanges entre les différentes parties du monde. Cette mondialisation, génératrice de flux de toutes natures, a redistribué les cartes de l'économie mondiale, permettant l'émergence de nouveaux acteurs.
En nous appuyant sur l'exemple du téléphone portable iPhone, nous allons montrer comment la mondialisation de l'économie a créé un équilibre économique mondial nouveau. Ce faisant, nous nous demanderons si cette redistribution des cartes, générant des flux nouveaux et bouleversant les acteurs traditionnels de l'économie mondiale, a un impact positif pour la majeure partie du monde.
Dans un premier temps, nous montrerons comment la mondialisation a profondément bouleversé les processus de production industrielle. Nous verrons ensuite que tous les acteurs impliqués dans ce processus n'en tirent pas le même profit. Enfin, nous constaterons que la multiplication des échanges est loin de concerner de manière égale toutes les parties du monde.
I. Une division internationale du travail
1. Au Nord, la conception
Les produits à forte valeur ajoutée, qui nécessitent d'importants travaux préalables de recherche et de développement, sont très majoritairement proposés par des sociétés implantées dans les pays du Nord. Ces firmes multinationales, qui déploient leur activité partout dans le monde, conservent dans leur pays d'origine le cœur de leurs activités. Ainsi dans la téléphonie mobile, la conception des nouveaux téléphones par les ingénieurs se fait dans les pays du Nord (en Californie dans le cas d'Apple). C'est en effet là qu'on trouve la main-d'œuvre hautement qualifiée nécessaire à la réalisation de ce type de travail. C'est également un moyen de s'assurer de la confidentialité de cette recherche à l'heure de l'espionnage industriel.
2. Au Sud, la fabrication
Mais si les produits sont conçus au Nord, ils y sont rarement produits, d'où la désindustrialisation qui a frappé de plein fouet cette partie du monde. C'est dans les pays du Sud que se trouvent les usines des sous-traitants chargés de fabriquer les téléphones conçus par les ingénieurs du Nord. Cette localisation s'explique aisément : ces tâches nécessitent une main-d'œuvre peu qualifiée. Or celle-ci est présente en nombre et à faible coût dans les pays du Sud. L'iPhone de la firme Apple, conçu à Cupertino en Californie, est ainsi assemblé dans des usines chinoises par des ouvriers qui gagnent en quatre mois le prix du téléphone qu'ils fabriquent et qui leur est donc inaccessible.
3. Aux riches, la consommation
Les produits ainsi fabriqués sont ensuite commercialisés dans le monde entier, générant d'importants flux maritimes pour les acheminer de l'usine au consommateur. Mais il est évident, compte tenu du prix des téléphones, que toutes les parties du monde ne sont pas également concernées par ces flux marchands. Il suffit de regarder une carte des Apple Stores commercialisant l'iPhone pour constater que ceux-ci sont implantés essentiellement dans les pays du Nord et dans les quelques régions du Sud où vit une population riche capable de se payer un tel objet de luxe (péninsule arabique, Chine littorale).
II. Gagnants et perdants de la mondialisation
1. Les FMN au cœur de l'économie mondiale
La libéralisation des échanges internationaux a fait des Firmes multinationales (FMN) des acteurs centraux de l'économie mondiale. Elles se livrent en effet quotidiennement à des arbitrages spatiaux : où implanter une usine, comment adapter un produit à une clientèle locale, où lancer une campagne de publicité, etc. Ces FMN contribuent par ailleurs à uniformiser la planète en diffusant partout dans le monde leurs produits standardisés.
2. Les États en concurrence
Les États sont dans une posture plus complexe que les FMN face à la mondialisation. En effet, ils ne peuvent pas délocaliser leurs activités. Tout au contraire, ils se trouvent mis en concurrence les uns par rapport aux autres par les FMN. Pour attirer ou retenir celles-ci, ils doivent en effet leur proposer un cadre meilleur que leurs voisins. Cela passe par des politiques fiscales avantageuses, par des aides à la formation des travailleurs, mais également par la qualité du cadre de vie ou de la desserte du territoire par les réseaux de transport internationaux. La qualité de la main-d'œuvre nationale, qui résulte de celle du système éducatif, est également un critère déterminant pour l'implantation d'une entreprise.
3. Les acteurs informels
À côté des acteurs institutionnels que sont les États et les FMN, la mondialisation profite à de multiples acteurs informels qui tentent de s'agréger aux flux mondiaux. Dans le cas du téléphone mobile, il s'agit des groupes mafieux spécialisés dans la réalisation puis la commercialisation de contrefaçons. Celles-ci sont souvent produites dans les mêmes pays, voire, dans certains cas, les mêmes usines, que les objets contrefaits. Elles transitent ensuite clandestinement vers les pays du Nord, mais également ceux du Sud, où leur prix bon marché les rend accessibles, contrairement aux originaux.
III. Des flux déséquilibrés
1. Le Nord reste dominant
Si la mondialisation a permis d'insérer dans les échanges économiques mondiaux toutes les parties du monde, elle le fait de manière très inégale. Les pays du Nord, qui ont certes perdu une partie de leurs industries au profit du Sud, conservent les fonctions les plus qualifiées et les plus rémunératrices. Il faut donc nuancer l'idée d'un déclin des pôles de la Triade, qui conservent de solides atouts. Sans eux, les pays du Sud à qui ils délèguent leur production et dont ils achètent les produits n'auraient pas autant d'activité ni donc de prospérité.
2. Les émergents le rattrapent
Si le Nord n'est donc pas appelé à s'effondrer de sitôt, il pourrait en revanche être progressivement rattrapé par certains pays du Sud, qui s'affirment à la faveur de la mondialisation comme de nouvelles puissances économiques. On pense bien sûr à la Chine, qui s'est en quelques années imposée comme l'« atelier du monde ». Mais c'est aussi le cas de pays comme l'Inde ou le Brésil, dont le poids économique va croissant. Certains pays riches en matières premières (Émirats arabes unis, Russie) tirent pour leur part profit de la manne pétrolière pour investir dans le monde entier et s'assurer ainsi une place de plus en plus importante dans l'économie mondiale.
3. Certains pays du Sud s'enfoncent
Mais tous les pays du Sud n'ont pas la chance de regorger de pétrole ou de disposer d'une main-d'œuvre docile, abondante et bon marché. Aussi la mondialisation, loin d'accroître les échanges entre tous les pays du monde, contribue-t-elle à marginaliser un peu plus certains d'entre eux. C'est notamment le cas des Pays les moins avancés (PMA), essentiellement localisés en Afrique subsaharienne. Ceux-ci n'ayant ni les infrastructures pour s'imposer comme des pôles de production, ni les moyens pour devenir des pôles de consommation sont laissés sur le bord des routes de la mondialisation.
Conclusion
Si la mondialisation a incontestablement permis l'émergence de pays jusqu'alors marginalisés qui se sont progressivement agrégés à l'économie mondialisée, ce processus demeure très incomplet. D'abord parce que les pays du Nord conservent largement le monopole des fonctions de direction de l'économie mondiale, ensuite parce que de nombreux pays du Sud demeurent en marge d'une mondialisation qui n'est bénéfique qu'aux États les plus compétitifs.
L'exemple de l'iPhone est caractéristique de ces déséquilibres : il est certes produit au Sud, mais par une firme du Nord qui en tire l'essentiel des bénéfices. Quant à sa commercialisation, elle se fait en effet sur tous les continents, mais seuls les plus riches peuvent se l'offrir.